Romans-sur-Isère ... Une ville intimement liée au textile depuis des siècles !

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Romans-sur-Isère ... Une ville intimement liée au textile depuis des siècles !

Au XIIe siècle, Romans devient une place commerciale importante de la vallée du Rhône. En 1157, l’empereur Frédéric Barberousse lui accorde le droit de tenir foires et marchés. La ville joue un rôle d’intermédiaire entre l’Europe du Nord pour acheminer bois, minerais et toiles allemandes vers l’Europe du Sud, laquelle, à son tour, fait remonter blé, vin, laine et surtout le sel vers le Nord. Au niveau régional, le marchand de Romans commerce avec Avignon, la Savoie ou Lyon. L’artisanat se développe en même temps que le commerce.  Au XIVe siècle, le contexte international s’assombrit avec la guerre de Cent Ans et la Grande Peste. En 1355, une assemblée composée de bourgeois, de marchands, de drapiers, de tondeurs et apprêteurs de draps rédigent des statuts régissant leur industrie. À cette époque, Romans compte quinze riches drapiers. Dans le quartier de la Presle s’établissent des mégissiers et des tanneurs mais il s’agit d’une production encore locale, la première activité de la ville reste le commerce du drap, non la production car, bien que nombreux, les ruisseaux sont insuffisants pour permettre le foulage. Romans réalise la teinture de ces draps, notamment dans la rue des Teintures. Au milieu du XVe siècle, les drapiers et leur famille représentent environ 10 % de la population.

Romans ne deviendra une ville « drapante » qu’au début du XVIe siècle : le nombre de fabricants et marchands passe d’une trentaine à plus de deux cents !

Le drap de Romans s'exporte au loin, comme en témoigne ce Noël bressan du XVIe s :

 

« Noël, Noël est venu

Nous ferons bourdifaille

Il était si mal vêtu

Qu'il s'en alla chez la taille

Pour se faire un balandran (manteau)

Du joli drap de Romans

Pour aller voir sur le foin

L'Enfant, l'Enfant de la Vierge

La Vierge avec son enfant »

 

A la fin du XVIe s avec les guerres de religions et au XVIIe s, la draperie périclite : au nombre de 200 en 1594, les drapiers-drapants ne sont plus qu’une quarantaine vers 1650.

Au début du XVIIIe, sous le règne de Louis XV, Romans, retrouve sa vitalité économique : en 1730, plus de 1500 ouvriers travaillent dans la production de draps, le moulinage de la soie, apparu en 1639, ou la tannerie. A la fin de la décennie 1780, la production romanaise est fragilisée par le traité de commerce franco-anglais de 1786 qui abaisse les droits de douane et facilite l’invasion des produits manufacturés d’une industrie britannique plus avancée En 1787, un Tableau des industries du Dauphiné indique qu’à Romans, les fabricants de draps qui étaient encore 10 en 1780 ne produisent « presque plus rien ».  Le XVIIIè est surtout marqué par l’essor de la « bonneterie », de la tannerie et du moulinage de la soie. Au sortir de la Révolution française, plus de 20 000 bras, dispersés dans 100 communes à trois lieues à la ronde de Romans, filent la laine et fabriquent des draps, des bas et des bonnets. De plus, le gouvernement établit un atelier pour teindre et apprêter les draps destinés à l’armée.

Sous le Premier Empire et ses guerres européennes, la demande en cuir de l’armée repart à la hausse, il faut équiper un million d’hommes en bottes, gibernes, bretelles de fusils, courroies, harnais et sellerie, que fournissent les tanneries. En janvier 1812, un rapport officiel du maire de Romans comptabilise à 14 tanneries, Le Consulat et l’Empire sont des périodes de marasme pour la sériciculture.

Romans reste tout au long de l’Empire le plus gros marché lainier du département. Des Romanais sont présents à « l’Exposition au Louvre des produits de l’industrie française » de 1803 : Joseph Bouron reçoit une « mention honorable » pour son « crêpe blanc » ; Grandjean présente « le plan d’une machine à ouvrir, peigner et carder de laine ». Le crêpe est une sorte d'étoffe très-claire et ordinairement un peu frisée, qui est faite de laine fine ou de soie crue et gommée.  En 1804, 9 tisserands sont établis à Romans qui est aussi l’un des seuls centres de teintureries du département avec Crest et Dieulefit. En 1804, 4 teinturiers sont présents à Romans. L’agglomération de Romans qui traite à la fois la laine et la soie, emploie en 1812, 28 ouvriers dans 6 ateliers à Romans et 1 à Bourg-de-Péage. En 1823, la ville compte 6 teinturiers.

La Monarchie de Juillet est une période de croissance économique et de prospérité pour Romans, comme en témoignent les activités recensées en 1832 : « 61 fabricants de bas, 19 mégissiers avec 20 ouvriers, 16 fabricants d’étoffes employant 10 ouvriers, 14 tanneurs occupant 35 ouvriers, 16 tisserands, 12 fabricants de soie (employant 20 hommes et 90 femmes), 11 presseurs d’huile,  10 peigneurs de chanvre,  4 fabricants de bonnets, 2 fabricants de satin,  2 peigneurs de bourrette,  2 fabricants de chapeaux, 2 pileurs d’écorce, 1 drapier, 1 tondeur, 1 moulinier de chanvre ». En 1835, Nicolas Delacroix dans son ouvrage Statistiques du département de la Drôme, décrit Romans comme, « la seconde du département par sa population est une des plus riches et des plus intéressantes par son commerce et l’industrie de ses habitants. Il y a des filatures de coton, des fabriques d’ouvraison de la soie, de draps, de serges et de ratines, de bonneterie, de tissus de bourre de soie et de filoselle, des tanneries […].

Sous le Second Empire, la chaussure devient la principale production de Romans. Hippolyte Van Leemputten note en 1864 : « Les habitants de Romans et de Bourg-de-Péage sont très industrieux et très commerçants ; leurs principales industries sont : la fabrication des tissus et des objets de soie, la corderie, l’industrie du cuir, la chapellerie. »

 En 1870, le tableau des professions exercées à Romans ne fait plus aucune mention de drapiers, de tondeurs ni de teinturiers.

 

Ecrit par M Laurent Jacquot – Professeur d’histoire -